L'apprentissage de la propreté, ou le corps parle

La propreté, le sujet où tout le monde à un avis. Mamie, tatie, la voisine Stéphanie, la directrice de la crèche des tout-petits et les médias sur touti la famili. Je vais vous partager mon expérience sur le chemin parfois tortueux de la propreté. Il m'a fallu laisser les conventions pour explorer d'autres voies. Elles nous ont menées au but. Je vous les partage en espérant qu'elles vous aideront aussi.

Alors comme vous tous j'ai lu et relu les conseils (injonctions) des magazines et écouté plus ou moins mon entourage. Je peux vous dire tout de suite que si je croyais à la pensée à la mode pour mon premier, j'avais des doutes pour la deuxième, j'ai radicalement changé de position pour le troisième et le quatrième. Je vais vous expliquer ce qui m'a amené à changer d'avis et comment j'ai fait pour les deux derniers.

Pourquoi je ne crois plus aux bons conseils des magazines et autres spécialistes de la petite enfance ?

Alors la pensée dominante c'est " il faut que l'enfant soit prêt". Quand il sera prêt la propreté viendra toute seule. Comment savoir s'il est prêt ?

Ses muscles et sphincters sont suffisamment forts et contrôlables quand l'enfant peut monter les marches d'un escalier en alternant les pieds. Sur certains sites vous trouverez aussi " il sait courir facilement, il sait gribouiller, il sait dire pipi et caca, il veut imiter son cousin plus grand, il s'intéresse au pot...

Mais surtout on nous dit qu'il faut qu'il soit prêt psychologiquement parce que sinon l'enfant peut être terrifié de perdre une partie de soi-même, à l'instar de sa main ou de son pied. Une demande de propreté de la part des parents alors que l'enfant n'est pas prêt à perdre son statut de bébé peut le traumatiser et peut entraîner chez l'enfant un comportement maniaque, une obsession de la propreté ou un comportement sexuel déviant plus tard dans sa vie d'adulte."

 Déjà le premier doute : mais où vont ‘ils chercher ces arguments ? A deux ans le bébé aura fait environ 700 cacas qu'on aura, évidemment fait disparaitre. Depuis le temps je pense que le bébé s'est rendu compte qu'on lui mettait une couche propre après chaque caca. Perdre un statut de bébé...Je ne suis pas persuadée qu'il y réfléchisse. Gribouiller ou savoir parler...mais quel est le rapport ?! On ne traumatise pas un enfant quand on lui demande d'utiliser une cuillère, pourquoi on le traumatiserait en lui demandant d'utiliser un pot?

Bon pour le premier on veut bien croire et puis de toute façon la propreté finira bien par arriver.

Oui mais quand même...Mon premier à trois ans n'était toujours pas propre mais savait courir et monter des escaliers depuis des mois, coloriait très honorablement pour son âge, faisait des puzzles de deux cents pièces, avait une petite sœur d’un an (donc pour le statut de bébé c'était râpé). A trois ans J était capable de monter sur sa commode, de baisser ses vêtements, de faire caca, de remonter ses vêtements, de descendre de la commode, de se rhabiller et de continuer à jouer tranquillement comme si de rien n'était. Pas dans la même pièce, pas fou non plus. A ce niveau quand tu découvres le cadeau tu te dis qu'il maîtrise parfaitement le truc et tu commences à douter du blabla du gentil enfant qui devient propre quand il sait maitriser ses muscles et qu'il est grand dans sa tête. Ensuite la rentrée arrivant J a bien été obligé de passer aux toilettes comme tout le monde toutes les heures et demie et la propreté de jour/nuit a été perfectionnée rapidement et simultanément.

 Petite sœur a un an et pas du tout le même caractère opposant que son frère J. A deux ans elle est propre jour et nuit simultanément. L'été d'avant je lui enlevait quand même de temps en temps ses couches à la sieste pour son confort. Oui, les serviettes hygiéniques ne me laissent pas que de bonnes impressions alors quand je pense que mon bébé est enrobé 24/24 dans une serviette hygiénique géante je n'aime pas trop le côté inconfort et le côté chimique en contact avec sa peau.

Quelques années passent et arrive D. Je surnomme D "mon vampire". D me suce toute mon énergie. D est un BABI. Je participe aux rencontres d'allo allaitement 44 et je découvre de nouvelle façon de materner. J'acquière immédiatement une écharpe de portage, j'achète mes premières couches lavables et je découvre la HNI.

https://www.oummi-materne.com/quest-ce-que-lhygiene-naturelle-infantile-hni/

https://www.bloghoptoys.fr/lhygiene-naturelle-infantile-explique-par-une-psychomotricienne

Le concept me correspond. On suit le rythme de l'enfant, pas de couches qui macèrent la peau fragile de bébé, pas de poubelle qui déborde et qui sent mauvais. D a trois mois, j'essaie mais ce n'est pas très positif. Le papa n'est pas convaincu. Après quelques jours je cesse mes tentatives. Cependant l'HNI reste dans un coin de ma tête et je sais maintenant qu'il est possible de faire différemment que ce qu'on nous serine dans les médias. D grandit, il a huit mois , l'été arrive et je tente une expérience. Mon postulat de départ est celui-ci " les humains sont des mammifères. Or je n'ai jamais vu de bébés mammifères se faire leurs besoins dessus quand ils dormaient. Les humains ont beau ne pas être à un stade de développement avancé quand ils naissent il n'y a pas de raison que ce soit différent pour eux". D au 8 mois, c'est la fin du printemps, il fait chaud, je le mets à la sieste vêtu d'un simple tee-shirt et je pose une serviette éponge sous ses fesses. Deux heures plus tard D se réveille, la serviette éponge est parfaitement sèche. Je le pose sur le pot et il urine. L'histoire est réglée, D a huit mois et il ne portera plus jamais de couche à la sieste. A un an les couches sont aussi devenues inutiles la nuit. A tout juste deux ans il est propre aussi de jour. A noter que finalement c'est au même âge que sa sœur qu'il est complètement propre. Un âge naturel ? Peut-être, En attendant il aura gagné 365 nuits et 600 siestes à l'aise, et nous autant de couches et de changes.

Un peu plus de deux ans plus tard bébé quatre est sur le point de naître. J'aimerai retenter la HNi en sortant de la maternité. Si ça fonctionne tant mieux, sinon tant pis. Bébé ne bouge pas beaucoup, bébé tarde, je sens que quelque chose ne va pas mais je n'ose pas le formuler. Finalement il faut déclencher.
Bébé arrive et puis.... C'est violent. Très violent ! Le quelque chose est bien là. Le quelque chose a deux noms. Incompatibilité sanguine et Trisomie 21.
Aucun rapport l'un avec l’autre, juste un double coup de "pas de chance". Je n'y connais rien, je n'ai en tête que des clichés. L'hygiène infantile et tout le chapitre Propreté De l'Enfant deviennent complètement secondaire. La priorité c'est que cet enfant vive. La priorité c'est d'affronter la douleur et le chagrin pour ne plus voir un handicap mais voir une personne, un bébé. Jamais je n'ai côtoyé de personnes handicapées. Le chemin dure plusieurs mois. C'est raté pour la HNI mais je ne vais pas abandonner. Je recommence avec ce petit blondinet ce qui a réussi avec son frère puiné. Ellyot a un an, les premiers jours chauds arrivent, il est possible de dormir découvert. Premier essai, premier succès. Lui aussi ne siestera plus jamais avec une couche. Dans la journée j'essaie quand même de repérer des signes mais je n'y arrive pas. Je sais que c'est possible pourtant après avoir parlé avec des parents d'enfants beaucoup plus lourdement handicapés. Certains arrivent très bien à distinguer les signes que leur envoie leur enfant. Ce n'est pas notre cas, tant pis j'en fait mon deuil.

Quelques mois plus tard la couche deviendra inutile aussi la nuit. Vers deux ans et demi il demande ou va de lui-même chercher le pot pour les selles. Précision il demande au début en signant, c'est à dire avec le geste de la langue des signes, car il oralisera plus tard. Non il ne sait pas parler, mais il sait se faire comprendre. D'ailleurs il ne sait pas non plus courir, il vient tout juste de réussir à marcher. Les gribouillages sont aussi pour très loin dans l'avenir.

Ok il est propre en dormant, il est propre pour les selles mais la continence urinaire de jour ? Alors là, c'est une histoire qui a duré longtemps, longtemps, longtemps... 

Dix ans où j'ai alterné douceur et compréhension, colère et menaces de punition, espoir et désespoir. Lui, petit, ça ne l'embêtait pas trop puis au fur et à mesure qu'il gagnait en âge et qu'il montait dans les es il voyait bien que ses copains et ses copines n'avaient plus jamais d'accidents. L'école ne souhaitait pas qu'il porte de couches et préférait le changer. J'étais parfaitement d'accord je préférais aussi changer des vêtements qu'une couche, que ce soit une fuite façon Niagara ou un dépôt en solide. Il a commencé à avoir honte, à cacher ses vêtements souillés à la maison.

Nous avons cherché la cause de cette énurésie. Des muscles trop souples peut-être ? Fallait ‘il aider son corps à tenir les sphincters fermés ? Nous avons essayé avec le concours de la médecine. Le médicament aidait en effet. Ellyot tenait plus longtemps. Il pouvait se retenir des heures et quand il se lâchait on avait l'impression qu'il vidait un jerrican. La solution fonctionnait mais était loin d'être idéale. Ce n'était pas une vraie continence et la vessie souffrait probablement. Il n'était toujours pas capable d'être propre tout seul. Nous devions toujours le forcer à aller aux toilettes quand nous supposions qu'il en avait besoin, avec parfois des commentaires du genre "non, rien ne sort ».

En semaine c'était le traditionnel "toilettes !" avant de partir à l'école, puis l’AVS prenait le relai dans la journée pour lui rappeler d'aller aux toilettes à chaque récré. En cadrant les accidents se firent rares mais ce n'était toujours pas Ellyot qui savait s'il avait besoin d'aller aux toilettes ou pas. Si on relâchait le cadrage les fuites étaient assurées. Je voyais arriver le temps du collège avec quelques angoisses.

 

 Jusqu'au jour où j'ai compris.

Comme Ellyot est motivé par les "carottes" ou "récompenses" j'ai dabord utilisé le support des petits chats d'Amandine Labarre en l'adaptant à un garçon. Un coup de recherches internet pour trouver des images de sous-vêtements masculins, un coup de plastifieuse / ciseaux/ pâte collante et le support était affiché dans les toilettes. Victoire facile= petit cadeau , victoire exigeante = gros cadeau

Ressources T21 Handicap Apprentissages Developpement

Ellyot y est presque. Les sous-vêtements humides se font rares. Cependant comme la rentrée au collège se profile on assure le coup. Le but est d'ancrer les automatismes " ce que je ressens dans mon corps, ce que ces sensations veulent dire, ce que je dois faire"
J'ai accroché les tableaux de motivation dans les toilettes pour que l'association soit faite entre je fais pipi et je suis content, j'agis et j'aurai une récompense. Récompense qu'il a déjà choisie car il a découvert le coin où je stocke les futurs cadeaux achètés pendant les soldes😅.
On démarre aussi au niveau très très très facile. Un caleçon propre dans la semaine c'est donné!
Nos tableaux sont des adaptations façon garçon des tableaux de Mon Scénario Social, site qui est une véritable mine d'or: https://monscenariosocial.weebly.com/autres.html
Nous utilisons le rose pour le matin et le bleu pour l'après midi.
Ellyot etait propre à la sieste a un an et la nuit a deux ans. Une preuve qu'il faut faire la distinction entre rétention involontaire et rétention volontaire ou plutôt je dirai consciente et inconsciente.

https://monscenariosocial.weebly.com/autres.html?fbclid=IwAR2N-EATCDr2Whn3NWnGYlqCn1wSC4J-yIs-dyCCE1VNQQP1xw4IfkGEmYs

Parrallèllement à ce tableau a commencé le travail de prise de conscience des signaux corporels. Dès que je supposais que mon fils avait besoin de vider sa vessie, que je constatais une auréole s’élargissant, ou entendait un pet annonciateur j’attirais son attention sur ses sensations corporelles en posant mon doigt sur la partie corporelle concernée.

Quelle sensation as-tu là ? »  « Ta vessie est pleine, le sens-tu ? » « Peut-être as-tu un peu mal ? » « Ton ventre est tendu » « ton caca a besoin de sortir, ça te fait quoi à cet endroit ? »

Vite file aux toilettes !

Et en sortant des toilettes, rebelotte « comment te sens-tu maintenant ? » « Comment est ton ventre ? » « As-tu encore mal ? » Et toutes les questions appropriées pour lui faire prendre conscience des ses sensations corporelles différentes avant et après le passage aux toilettes. Pour qu’il s’attache à accorder de l’importance aux signaux de son corps. Il fallait aussi qu’il fasse le lien de cause à effet entre l’action et les sensations. Qu’il pouvait se soulager dans les deux sens du terme.

 Petit à petit il a fait le lien entre la sensation bizarre dans son ventre et le fait que son corps lui disait d'aller vider sa vessie. Au début rien, puis il a commencé à nous dire "j'ai mal au ventre" quand sa vessie était pleine. Je devais encore à cette étape faire le lien pour lui et verbaliser pour lui. "Tu as mal au ventre? C'est ton ventre qui te parle, peut-être as tu besoin d'aller aux toilettes?". Question suivie à 99% de "Oui, toilettes!"

Etape suivante: interroger sa vessie, son corps. D'abord à des moments opportuns choisis par moi puis systématiquement quand on passait à côté de toilettes. La verbalisation du besoin d'aller se soulager est arrivé à cette étape. 1- j'nterroge mon corps. 2- je constate qu'il me dit qu'il faut le soulager 3- Je le dis et j'y vais. On retrouve à cet instant ce qu'on constate avec les enfants en fin d'apprentissage et encore avec certains adultes (!) : je prends conscience, je le verbalise, j'agis.

Une fois ce travail sur les sensations bien ancré à la maison il a bien fallu se lancer à l'extérieur. Pour cette dernière étape ce fut rapide. En premier je lui demandait d'interroger son corps juste avant de partir, puis dès qu'on passait à proximité de toilettes. Deux semaines plus tard il était capable de nous prévenir qu'il fallait rechercher des toilettes car il avait besoin d'y aller.

Et voilà il était enfin propre! 

Bye bye le sac de rechange, les lessives et les lingettes. Bye bye la honte et le stress. Vive le chemin sec et ensoleillé!